Dans le monde où vit Jonas, la guerre, la pauvreté, le chômage, n’existent pas, n’existent plus. Les inégalités sont effacées. Dans cette vie en noir et blanc, les émotions sont contrôlées par une pillule chimique son devenues inexistantes. La désobéissance et la révolte n’ont pas lieu d’être dans une société où règne l’IDENTIQUE, en vertu des intérêts du Système. L’harmonie parfaite permet à chacun de vivre paisiblement dans des cellules familiales constituées avec soin par le comité des sages. Chacun sait ce qu’il a à faire. Chacun a son utilité. Les lois ne sauraient être transgressées puisque la petite pillule permet un parfait contrôle des vies. Vous avez reconnu l’idéologie décrite dans Le passeur de Lois Lowry , roman phare de la littérature jeunesse, qui a impressionné dès sa sortie en 1994 le monde des adolescents et celui des nombreux enseignants qui l’ont mis à l’étude. Et cela n’a jamais cessé.
Dans la société décrite par Lowry (on y sent l’influence de La ferme des animaux de Georges Orwell ou du Meilleur des monde d’Huxley), les personnes trop âgées, ainsi que les nouveaux-nés inaptes sont « élargis » et rejoignent un monde meilleur, l’Ailleurs. Dans la communauté, une seule personne détient véritablement le savoir : c’est le Dépositaire de la mémoire, Le Passeur. Lui seul sait comment était le monde, des générations plus tôt, quand il y avait encore des animaux, quand l’oeil humain pouvait encore voir les couleurs, quand les gens tombaient amoureux. Dans quelques jours, Jonas aura douze ans. Au cours d’une grande cérémonie, il se verra attribuer, comme tous les enfants de son âge, sa future fonction dans la communauté. Jonas ne sait pas encore qu’il est unique. Un destin extraordinaire l’attend. Un destin qui peut le détruire. À travers son histoire, le lecteur découvrira les failles du système et vivra le choix déterminant du jeune garçon.
Communauté, comité des sages, système, dépositaire de la mémoire, cellules familiales, l’Ailleurs,…Lois Lowry, dans la lignée d’Orwell ou d’Huxley, a ouvert la voie aux romans d’anticipation de la nouvelle génération d’écrivains pour la jeunesse. En effet, son livre, à la fois simple, mais si complexe par tous les thèmes qu’il soulève, donne matière à réflexion aux jeunes, à la hauteur de leur intelligence. Ainsi les concepts qu’elle a développés se retrouvent aujourd’hui dans des romans ou séries tels que Promise d’Allie Condy, Lunerr de Faragorn, Ici et Maintenant d’Ann Brashares (pour ne citer qu’eux).
Tant de questions philosophiques sont évoquées à travers l’histoire de Jonas et de cette communauté : Laisser du libre-arbitre aux hommes peut-il devenir un danger ? Jusqu’où l’être humain peut-il être pris en charge par la société ? Quelle responsabilité entraine le choix que l’on fait ? Suis-je libre de faire un choix ? Sans révolte ni souffrance, sans différence ni inégalité, l’homme peut-il aspirer à être heureux ? La dictature est-elle le seul choix possible pour assurer aux hommes une certaine égalité dans la société ?
Tant d’autres sujets sont aussi présents : L’amour, la tolérance, la peur de l’inconnu, la peur du risque, les dangers de l’évolution…
Dernier aspect et non des moindres de ce roman: l’importance des mots. Quelle invention géniale que ce personnage du Passeur, Dépositaire de la mémoire. Avec lui, Lois Lowry signale au lecteur la place et la force des mots. Elle sous-entend une question essentielle : La disparition des mots implique-t-elle que les choses auxquelles ils renvoient disparaissent aussi ?
Ce roman magnifique à lire et relire autant de fois que l’on voudra, a bien évidemment séduit le monde du cinéma. Ainsi le 15 août prochain, Le passeur sur nos écrans, interprétera ce texte. Donnera-t-il au spectateur autant de souffle et de suspense que le roman? Finira-t-il sur cette fin ouverte, telle que Lois Lowry l’avait choisie pour son texte, et qui apporte la touche de rêve et de poésie?
Rendez-vous plus tard à l’automne, lorsque vous aurez visionné le film et que paraîtra alors (donc 10 ans plus tard), la conclusion de ce cycle (dont font aussi partie Messager et L’élue) avec Le fils. Une fin passionnante qui garde cette facilité incroyable de lecture, la part de rêve et la force du récit.
Pour en savoir plus sur Lois Lowry: vous pouvez commander son livret d’auteur