Jeanne Ashbé connait bien les enfants. Elle connait leurs pensées, leur vie intérieure. Jeanne Ashbé a ce pouvoir unique d’être « à hauteur d’enfant (surtout des tout-petits) ». Elle est douée pour cela depuis …toujours? En tous cas pour nous lecteurs, depuis Ça va mieux, depuis Et pit et pat à quatre pattes. Elle a continué avec Lou et Mouf et leurs petits mots doux. Formules simples, dialogues cohérents si près des besoins des bébés. Elle se connecte à leurs sensations et à leurs émotions dans leur intimité. On est DANS leur lit, dans la chaise haute, dans les bras de papa ou maman, dans le petit fauteuil ou simplement par terre. L’univers qu’elle dessine accompagne aussi l’histoire au niveau physique du bébé. Assis à côté de lui, le lecteur voit le monde comme lui. Dans la série des Lou et Mouf, elle a ouvert plus largement l’espace comme si elle souhatait que l’adulte réalise ce que cela représente d’être si petit, si loin, si bas.
Alors, réalistes, les livres de Jeanne Ashbé? Que non! dirait-elle. Il y a toujours des doudous qui s’animent et prennent part à la vie de bébé. Elle ne leur donne pas la parole, mais ils se meuvent dans les jeux, du quotidien.
Avec Attends, Petit Éléphant, l’on pourrait dire que Jeanne Ashbé rompt avec cette dernière affirmation puisqu’elle met en scène, non pas un bébé, mais un petit éléphant. L’histoire commence ainsi: « Voilà. C’est une histoire de Petit éléphant. Elle s’appelle ATTENDS, Petit éléphant! Et elle est écrite et illustrée par Jeanne Ashbé ». Petit éléphant boude, feint l’indifférence, lit, bref, puisqu’on le fait attendre pour essayer son nouveau vélo, il fera attendre grand éléphant à son tour. Mais l’annonce d’un goûter l’incite à réagir très vite car Après tout, l’heure du goûter, c’est l’heure du goûter! Pas vrai?
Alors, on va enfin l’essayer ce nouveau vélo? Et oui; c’est parti. Toute la famille part en promenade, mais qui dépasse tout le monde? C’est Petit éléphant et on est obligé de lui crier Hé! Petit éléphant! ATTEEEEEEEENDS! Là commence son histoire à lui, en quelque sorte.
Jeanne Ashbé prends grand soin à raconter ses histoires. Les illustrations sont claires, l’histoire se déploie en grande partie dans la maison avec des codes de couleurs (rouge pour le Petit éléphant, bleu pour le Grand et vert lorsqu’ils sont dehors), tout aide à la compréhension de l’enfant lecteur. On pourra même recommencer en reprenant quelques forces puisque la recette du goûter d’un petit éléphant clôt le livre. Un régal!
