La forêt des contes apparait depuis toujours dans les livres de Grégoire Solotareff. On y retrouve les siens (Loulou à l’école des loups), ou l’on s’y cache comme le fait Le chat rouge dans son dernier album. Sur le thème du rejet de la différence, Solotareff introduit brutalement et délicatement une histoire d’amour. Brutalement car la page où le lecteur fait connaissance avec l’amoureuse surgit sans prévenir. Délicatement, car la couleur et la silhouette de cette jolie chatte blanche créent une atmosphère douce et tendre. Je les aime depuis toujours les personnages de Solotareff, avec leur yeux humains, leurs regards expressifs, leurs attitudes élégantes se découpant sur les diagonales frêles des paysages. Ils ressemblent à des notes posées ça et là sur la ligne d’une portée musicale.
Valentin le chat rouge rejeté par les autres et Blanche-Neige, la chatte blanche qui l’invite à jouer, s’amusent mais quand vient le soir, un vieux loup rôde dans les parages. Ils le fuiront pour finalement se réfugier dans la maison d’une sorcière. Croyez-vous vraiment que cette dernière pourra en faire ce qu’elle veut ? Alors c’est ne pas bien connaître les chats; car ils n’en font qu’à leur tête!
Cet album esthétiquement très réussi donne l’impression étrange de sentiments mêlés. « Aérien, épuré, puissant » dit un critique de La Libre Belgique. Peut-être est-ce dû à ces belles illustrations à l’acrylique qui nous font voyager du rose au jaune orangé, du bleu froid au bleu nuit, du mauve au violet puis au jaune pour s’achever dans les teintes d’une campagne tranquille où nos deux chats se prélassent? Ou peut-être à l’attitude de ces deux chats que rien ne pourra désormais séparer? À deux, la peur disparait, les moustaches se mêlent. Ou peut-être encore à l’histoire elle-même au rythme bien mené dans un temps indéfini le jour, la nuit, au petit matin, un soir, une fois au village…?
Il y a quelque chose d’impalpable et en même temps de très fort. De souple et de déterminé. Les thèmes éternels, ceux que Solotareff aime à décrire, sont proches du lecteur : le rejet, la solitude, la rencontre, l’amour, la peur, le risque, le jeu, le temps qui passe. Mais chuuut! Nos deux chats font la sieste et il me semble entendre la cloche du village sonner leurs amours tranquillement tandis qu’une voiture s’éloigne sur la route…La paix règne enfin.
Le chat rouge, Grégoire Solotareff, l’école des loisirs