Nous sommes au coeur de l’Hindou Kush, dans les montagnes d’un royaume lointain où les dangers menacent sans cesse les voyageurs. La chance, le temps, la ruse, sans doute, permettent à commerçants et explorateurs, de marcher d’Ouest en Est, du Moyen-Orient à la Chine et d’en revenir, mais « On sait que les dieux sont par nature injustes ». Ces cimes grandioses impressionnent tous ceux qui ont à les traverser. L’homme est si petit et la nature immense…C’est pourquoi il cherche parfois en elle une alliée plutôt que de chercher à la dominer.
C’est bien l’homme qui est au coeur de ce récit imaginé par François Place, Le sourire de la montagne. Un vieux Roi (dans ces temps reculés, cinquante ans est déjà vieux!) revient de son dernier voyage à travers les territoires hostiles et les cimes enneigées. Bénissant la vie qui l’a épargné alors que tant de ses proches ont disparu, il décide à son retour de faire sculpter une image de dieu paisible dans la falaise qui borde la rivière de son pays. Une image qui donnera force et confiance aux voyageurs, qui se révèlera peu à peu au détour des chemins, comme un symbole de foi émergeant de la roche.
Ce projet fou, il le partage avec sa petite fille et, pour lui en donner une meilleure idée, le Roi lui offre une statuette en argile représentant le modèle qu’il a en tête. La statuette est fragile et malgré le soin qu’elle y apporte en la manipulant, l’enfant la casse quelques temps plus tard. Pourtant le Roi ne se met pas en colère malgré la vision du sourire détruit sur les morceaux du visage en miettes. Ce sourire, il faudra donc que les sculpteurs le « réinventent », l’imaginent.
Le temps passe, plusieurs années, et le roi devient aveugle. Sa petite fille devient son guide. Le dieu de pierre est presque achevé mais lorsque le Roi lui demande s’il sourit, sa réponse est négative. Alors ce dernier décide de s’installer tout là-haut, dans les échafaudages avec le maître sculpteur, « il dort et prend ses repas, perché comme un oiseau. » Jour après jour, il passe la main sur les lèvres immenses du visage de pierre et en fait modifier la courbe, l’expression, la douceur pour retrouver ce sourire gardé intact au fond de son coeur. « Il faut plus d’un an au maître des sculpteurs et au vieux Roi pour ciseler l’image fugitive du bonheur dans la roche ».
Il éclaire désormais les voyageurs qui traverseront la vallée. « Dans mille, deux mille ou dix mille ans, qui peut savoir ce qu’ils (les hommes) en feront?, dit le Roi à sa petite fille. Ton sourire m’est tout aussi précieux. Je ne le vois pas et je sais qu’il est là. »
L’album de François Place est aussi une promenade dans ces vallées de L’Afghanistan aux couleurs chatoyantes. Son pinceau souple et libre trace les silhouettes de personnages avec autant d’agilité que la nature foisonnante et amicale qu’il décrit.
Quelques repères géographiques et historiques: Aux confins de l’immense chaine de montagnes qui relie l’Iran à l’Inde et à la Chine en passant par l’Afghanistan, certains pics culminent à 4300 m d’altitude. Il y a maintenant seize siècles environ, y furent érigés des bouddhas en haut-relief dont le plus grand mesure 53 m de hauteur. Dans ces grottes, se trouvaient aussi des peintures. En racontant cette histoire François Place fait allusion au geste des fanatiques talibans qui ont détruit les grands bouddhas de Bamiyan. Malgré tout, c’est de construction dont parle le récit et non de destruction. Un projet d’une telle envergure ne peut venir qu’une foi immense. Que l’on pense au temple d’Abbou Simbel, en Égypte, construit au bord du Nil, mais aussi au génie d’un musicien comme Beethoven capable, alors qu’il était complètement sourd, de construire l’oeuvre immense de ses symphonies…Un peu comme ce roi, il a fait parler son coeur et sa vision pour les humanité.
Dans le site de François Place, vous trouverez des éléments de recherche à cet album.