Inutile de vous présenter Émile, ce petit garçon ronchon, boudeur, tétu, au caractère bien affirmé et un brin obsessif, inventé par Vincent Cuvellier et dessiné par Ronan Badel. Il s’est fait connaître tout seul, dans l’univers de la littérature jeunesse. Il a pris sa place à côté d’autres petits héros et la défend bec et ongles. Mais qu’est-ce qui fait le succès d’Émile qui n’est pourtant pas le plus facile des enfants à aborder ?
D’abord, son allure, qui nous fait craquer. Cheveux en bataille, regard soupçoneux, expressions et attitudes qui en disent long sur ce qui se passe dans sa tête, bouche absente. Émile ne parle pas directement mais réfléchit aux grandes questions: le temps qui passe, la relation aux autres, la communication, l’être, les sensations, l’identité.
Autre force de cette série, le lien texte-images. Dans la façon d’écrire, il y a quelque chose qui rappelle la narration des albums d’Ole O’Konnecke (cf. Anton et les filles à l’école des loisirs). Le texte à la troisième personne indique les pensées du personnage. Un IL qui amène le lecteur à penser JE. Comme si le narrateur était à la fois extérieur et Émile lui-même. Émile se lève, Émile boit du chocolat, mais en réalité, le lecteur glisse en traduisant par JE me lève, JE bois du chocolat. C’est subtil et met en place le processus littéraire. Il y a un véritable dialogue entre l’auteur, l’illustrateur et le lecteur. Et puis les images qui indiquent toutes les cogitations intenses dans la tête d’Émile, son regard sur les autres ou son indifférence. Dans un décor dépouillé, on se concentre sur Émile, parfois ses amis, mais il n’y a pas une illustration sans lui.
Émile représente parfaitement l’esprit des enfants de quatre cinq ans qui se posent des questions, qui s’accrochent à des obsessions, qui tâchent de s’affirmer par toutes sortes de moyens, à la hauteur ce qu’ils peuvent maitriser dans la vie. Dans le dernier album, Émile il est 7 heures, il aborde la question de l’heure et de la maîtrise du temps. Concept vraiment complexe pour un enfant. Quand il est sept heures, il est sept heures. Et si on passe à travers une journée, l’on s’aperçoit qu’il est à nouveau sept heures mais pas le même sept heures. Ce qui est bien avec Émile, c’est qu’il finit par s’arranger avec la réalité de la vie. Et ce qui est bien avec la maman d’Émile, c’est qu’elle l’écoute, elle lui parle, et lui laisse la lattitude de faire ce qu’il veut parce que, au fond, ce qu’il veut, c’est pas grand chose. Il veut juste avoir raison, Émile.
Pour profiter d’Émile encore plus, voici Joue avec Émile, c’est comme ça et pas autrement.
Vincent CUVELLIER a écrit d’autres albums, notamment une sorte de trilogie comprenant Le temps des marguerites, L’histoire de Clara et Je suis un papillon, trois albums….à découvrir:
Dossier Vincent Cuvellier
Ronan BADEL a reçu le prix Soricères pour Émile est invisible, et ce même titre a été lauréat du prix jeunesse des libraires du Québec en 2011