Émile descend les poubelles

figure_284_244x0« Aujourd’hui, Émile descend les poubelles. C’est le jour. » Ainsi commence la nouvelle histoire d’Émile. Ses aventures ne nous entrainent jamais bien loin. Nous sommes chez lui, à la piscine, à l’école, au parc. Comme tous les enfants de son âge, Émile a la vie la plus intéressante qui soit à 50 m de chez lui.
Il y a dans cette nouvelle histoire, une très grande part de non-dits. Encore plus que d’habitude. La maman incite son Émile à trier ses affaires pour voir s’il n’aurait rien à jeter. Car aujourd’hui c’est le jour des poubelles. « C’est les jaunes », (comprenez « verts »). Et à travers ce fait anecdotique, voici que Vincent Cuvellier et Ronan Badel nous entrainent astucieusement sur des chemins différents de l’histoire initiale jouant toujours de cet humour typiquement « émilien ». Car en triant ses affaires, Émile aimerait en profiter pour se débarrasser de ses Aventures de Pinpin le lapin. Première digression amusante vers les souvenirs d’Émile, que ne semproduct_9782070664269_244x0ble pas partager la maman. Elle ne comprend pas pourquoi il jette ces histoires qu’il adorait quand il était petit. PETIT!  1er point d’orgue : « Émile n’a jamais été petit ». Et en plus Émile n’a jamais aimé ces histoires. Mais la maman est tenace: on pourrait au moins les donner à des enfants pauvres. 2e point d’orgue: Émile trouve que ce n’est pas très gentil de donner Pinpin le lapin  à des pauvres. Arrive Julie sa chérie. Elle n’a rien demandé mais se trouve avec le sac jaune rempli des histoires de Pinpin que la maman lui offre. Alors qu’elle s’apprête à repartir chez elle et redescend l’escalier, Émile l’accompagne pour déposer la poubelle blanche aussi. Sur le trottoir, l’éboueur pressé  va se saisir du sac blanc et du sac jaune. Émile fait semblant de lui tirer dessus, Julie hurle,  et les deux sacs poubelles ressemblent de pauvres lapins qui vont mal finir grâce à une astuce graphique de Ronan Badel.
Quel incroyable travail du lien texte image ! On pourrait proposer aux enfants de « relire » l’histoire en faisant ressortir les trois voix: celle de la maman, celle d’Émile et celle de Julie qui tout en restant silencieuse n’en pense pas moins. Et puis quel joli clin d’oeil à nos vies de parents dans la façon dont se croisent les ressentis à propos de Pinpin le lapin. D’un côté, la maman persuadée qu’Émile adorait ces histoires (ou est-ce sa vision idyllique du temps où elle racontait ces histoires à Émile?); de l’autre un Émile prêt à se débarrasser de ces livres qui représentent une vie passée, celle du temps où il était petit. Et d’ailleurs, il  rappelle qu’il n’a jamais été petit. Maman reste accrochée à ce moment de vie symbolisé par ces livres, comme tout parent un peu nostalgique du temps qui passe. Et nous, lecteurs,  restons encore étonnés par ce petit bonhomme aux jambes bien plantées dans le sol, déterminé à être acteur de sa propre vie.

Émile descend les poubelles, Vincent Cuvellier et Ronan Badel,
Gallimard Giboulées