Vient de paraître chez Edito Jeunesse un magnifique album sur les premières années de la vie de Frida Kahlo, intitulé Frida, c’est moi, à découvrir à partir de 4 ans.
La comédienne Sophie Faucher entretient une relation passionnelle avec l’artiste et son œuvre depuis de nombreuses années, dans sa vie et au théâtre. Elle signe ici un texte poétique, ludique et très émouvant. Elle sera d’ailleurs de nouveau sur scène en novembre et en janvier pour lui prêter sa voix.
La designer et illustratrice mexicaine Cara Carmina offre aux lecteurs sa vison du Mexique et de l’artiste. Elle représente les scènes marquantes de la prime jeunesse de Frida, jusqu’à l’accident, avec justesse et sensibilité. C’est un dessin engagé, assumé et haut en couleurs qui en dit long sur la nature fougueuse de la relation Frida-Cara.
Entrevue avec deux artistes intenses… à l’image de celle à qui elles consacrent ce livre.
Comment avez vous découvert Frida ?
S.F. : J’ai découvert Frida il y a 25 ans déjà , par un ami qui m’a prêté sa biographie écrite par Hayden Herrera en me disant : Tiens Sophie, je crois que c’est un rôle pour toi!
C.C. : J’ai découvert Frida très tôt, d’abord à l’école puis en visitant sa maison bleue. J’ai grandi dans la ville de Mexico, très près de la maison de son enfance, au sud de la ville. Bien sûr, tout le monde au Mexique connaît Frida, elle fait partie de notre histoire nationale, de l’histoire de l’art mexicain…Mais je n’oublierai jamais la première fois où j’ai visité sa maison…En grandissant, j’ai pris l’habitude d’aller m’installer dans ses jardins pour lire et boire un café. Il n’y a rien de mieux que de prendre un café avec quelqu’un pour apprendre à mieux le connaître non?
Qu’est ce qui vous touche chez cette peintre?
S.F. : Il y a des rencontres coup de foudre qui vous frappent au hasard d’une lecture, ou à la vue d’un tableau et qui font basculer votre vie. Ma rencontre avec Frida Kahlo est de cet ordre. Impossible d’échapper à la puissance de son œuvre, à l’étrangeté de son destin, à la bouleversante énergie de cette femme brisée et pourtant triomphante, que la mort a accompagné depuis l’enfance. Qu’est-ce que la douleur d’une femme peut apporter à la douleur du monde?
Peut-être un peu de force et de lumière.
C.C. : Sa vulnérabilité et son honnêteté. Sa fragilité et sa force. Son sens de l’humour et son sarcasme. Son ambiguïté et sa grande clarté. Son art est absolument unique, car il est très intime. Elle a peint son histoire, elle s’est peinte elle-même dans les moments les plus difficiles et les plus extrêmes. Elle a peint ses meilleurs souvenirs, comme ses plus tristes. Elle était complètement passionnée par tout ce qui l’entourait et tout ce qui lui arrivait : c’est aussi la façon dont elle a vécu sa vie. C’est réconfortant de voir autant de passion et d’amour pour la vie chez une femme de son époque, car même de nos jours plusieurs femmes n’oseraient pas vivre ainsi.
Pourquoi avoir choisi de raconter seulement l’enfance de Frida?
S.F. : Je trouvais intéressant de parler d’une enfant aux enfants, et de mettre en lumière son tempérament, son énergie, sa créativité, sa curiosité, sa résilience, son désir de vivre, en somme toutes ces choses qui ont fait d’elle la grande Frida Kahlo.
À travers votre histoire, que voulez vous dire aux enfants?
S.F. : J’aimerais dire aux enfants, jouez, soyez curieux, explorez, prenez le temps de découvrir qui vous êtes avec toutes vos différences. Je souhaite que les enfants s’attachent à cette petite fille et puisent dans son exemple du courage, de la fantaisie et saisissent l’importance de s’affirmer.
Quel passage du livre a été le plus difficile à illustrer?
C.C. : Son accident a certainement été le passage le plus difficile à illustrer, c’est le moment qui a complètement changé sa vie…Même si Frida disait que Diego a été un accident bien pire que celui qui lui a coûté sa jambe! Un tel moment est difficile à illustrer, surtout dans un livre pour enfants. Sophie et moi en avons énormément discuté… Je n’ai aucune difficulté à parler de la mort, à lui faire face, au Mexique nous plaisantons avec la mort : nous décorons les cimetières durant les célébrations de la Fête des Morts, nous chantons, mangeons et buvons, c’est une véritable fête remplie de joie et de rire. Les enfants au Mexique sont habitués à voir des images de la muerte, des crânes partout…Je voulais représenter cela de la façon la plus honnête et véridique possible (sans être trop choquante non plus). La métaphore de Frida, brisée comme le serait une piñata, est magnifique à mon avis, mais je comprends à quel point il s’agit d’une image troublante pour les gens qui n’ont pas grandi au Mexique. Finalement, nous avons décidé de laisser l’illustration telle quelle, je crois que les enfants comprennent beaucoup plus de choses que l’on pense et que nous ne devrions pas les sous-estimer…Donc oui, l’accident a été, et de loin, le moment le plus difficile à dessiner…Mais c’est l’une de mes illustrations préférées du livre.
Frida, c’est moi – ISBN 978-2-924720-03-5 – 18,95$ – 32 p.
En librairie dès maintenant.