Le papier est doux comme un velours. Son odeur un peu forte comme celui du papier de tous les livres neufs. Les couleurs, les illustrations (des sculptures photographiées de Shaun Tan), la typo, le format, tout incite à se plonger dans ce recueil soigneusement pensé par Philip Pullman, Contes de GRIMM. Le petit poisson tendant ses mains en offrande intrigue et le doré du mot Grimm indique que l’on entre dans le monde merveilleux des contes.
Pour préparer notre lecture, Philip Pullman propose une introduction qu’il vaut vraiment la peine de lire. Au-delà du rappel historique de la publication des frères Grimm, il précise son approche et son parti pris. « J’ai entrepris de narrer les meilleurs d’entre eux, en écartant tout ce qui pouvait les empêcher de se déployer librement. Je n’ai pas voulu les transposer dans un environnement moderne, ni offrir des interprétations personnelles, ni composer des variations poétiques à partir des originaux; je voulais juste proposer une version claire comme de l’eau de roche ». Il nous rappelle aussi la symbolique des personnages dont les plus justes représentations, selon lui, sont des petites figurines en carton du théâtre de marionnettes. Et l’aspect « efficace » des contes dans lesquels on s’intéresse plus à ce qui se passe qu’à l’intériorité des 
personnages. Enfin, il souligne que « le conte de fées est dans un perpétuel état de devenir et d’altération. S’en tenir à une seule version, une seule traduction, c’est enfermer un rouge-gorge en cage. » Et il nous encourage, nous lecteurs, à se sentir libres de prendre la parole car un conte de fées n’est PAS une texte. Il invite aussi à respecter ce petit lutin derrière notre voix quand nous incarnerons une histoire.
J’ai relu Cendrillon avec bonheur et me disais combien la plupart des gens qui n’en connaissent que la version Walt Disney seraient bien surpris de retourner à l’original. J’en avais moi-même oublié quelques morceaux. Ils y trouveront ici un accès facilité par l’écriture limpide et fluide de Pullman. Et j’espère qu’ils seront assez curieux de se délecter d’autres contes moins connus et pourtant magnifiques tel celui de La Lune ou Le Genévrier. Chaque conte est accompagné d’une oeuvre de Shaun Tan, une sculpture photographiée dans l’aura d’une lumière mystérieuse et pour chacun d’entre eux, Philip Pullman a apporté un commentaire permettant de relier l’histoire à des points de repères historiques, culturels ou littéraires.
À mettre sous tous les sapins de Noël ! À offrir à toutes les générations !…avec un petit lutin qui soufflera la voix de l’histoire.
Philip Pullman, Contes de Grimm, images de Shaun Tan, Gallimard.