La contrebasse ou… les ambitions de papa

contrebasseStephen Henrich est un créateur atypique. Ses histoires nous entrainent souvent dans des ambiances un peu loufoques et des univers moins connus des enfants : celle d’un charcutier (Au cochon d’Émile),  au temps des colonies (Chasse au gorille), lors d’un procès (Le procès) pour ne citer que ces titres.
Son dessin vif et « vivant » n’a d’égal que sa plume aux dialogues amusants, aux monologues ponctués de … ou de !!!
Dans cet album, La contrebasse, un adulte projette ses vieilles ambitions musiciennes enrobées de regrets à son enfant. Ainsi, la petite Charlotte, se retrouve avec une énorme contrebasse entre les bras. Elle aimerait combler le bonheur paternel en se montrant aussi enthousiaste que lui à propos de la musique et des cours auxquels elle assiste : « Vois-tu, ma chérie, la pratique d’un instrument est un bonheur immense, c’est à la fois l’écoute, le partage et la fraternité ». Malheureusement, malgré ses efforts, elle ne trouve pas dans la musique cette « inépuisable source de joie ».
Là où Henrich excelle, c’est dans le décalage entre le père et la fille, entre le texte et les illustrations. Pour le papa, la musique est reliée aux souvenirs heureux de sa jeunesse. Tandis que Charlotte finit par trouver cela bien ennuyant et le bonheur, difficile à atteindre. Ce contraste est formidablement orchestré par le lien texte-illustrations. Texte amusant d’ailleurs qui, dans la première partie du livre, est plutôt un monologue paternel qui traduit un enthousiasme démesuré. Charlotte n’y a pas de place pour s’exprimer.
contrebasse_pageIntElle finira par le faire en hurlant. Cette voix sortie d’elle-même laissera entendre à son père que finalement elle serait meilleure cantatrice que contrebassiste. Ah, ce cher papa, il est comme tout bon musicien : la musique devrait faire partie de la vie de son enfant. La musique au-dessus de tout! Elle devrait comprendre combien cela l’enrichirait. Mais il faudra encore quelques temps à Charlotte pour suggérer que finalement, le judo serait plutôt son truc. Un temps non relaté dans l’histoire, une ellipse intéressante qui laisse place à l’imaginaire : que s’est-il vraiment passé pendant le cours avec la cantatrice ? Comment Charlotte a-t-elle finalement convaincu son père de faire du judo ? Pourquoi son père s’est-il remis à la contrebasse ?
Derniers détails amusants à remarquer: ceux des illustrations qui montrent des scènes extérieures aux côtés un peu rétro dans une ambiance assez parisienne (trottoirs pavés, bistrots…) ou  ce petit nounours du grenier pas content d’être délaissé pour la contrebasse, ou encore ces affiches sur un panneau du conservatoire qui pourraient bien nous inciter à écouter du Django Reinhardt, du Luciano Pavarotti et pourquoi pas, d’autres album évoquant la musique… Ce « Rat Khamaninov » rappelant étrangement des personnages de Georges Lebanc (Claude Ponti).

La contrebasse, Stephane Henrich, éditions Kaléidoscope.