La collection Scripto chez Gallimard jeunesse traite décidément de sujets forts. À l’automne, MAX, de Sarah-Cohen Scali, offrait une lecture choc à travers le récit à la 1ère personne de cet enfant naissant dans une Allemagne nazie, obsédée par sa quête identitaire et à la recherche d’une race aryenne pure. Le programme Lebensborn installait tant d’inhumanité dans l’humanité… Max s’y frayait un chemin conditionné pour ne jamais mourir et dominer sans cesse.
Aujourd’hui, c’est encore une histoire choc que propose la collection SCRIPTO, mais au contraire débordante d’humanité, d’émotions , de fragilité aussi. Isabelle Pandazopoulos, dans son roman La Décision, raconte l’histoire d’une jeune fille vivant, subissant, un déni de grossesse. Un sujet dérangeant et mal connu. « Ce qui me fascine, c’est que c’est comme si on avait la preuve, avec le déni de grossesse, que le psychisme a une puissance insensée sur le corps. » (Isabelle Pandazopoulos).
L’auteure travaille dans des milieux difficiles (quartiers pauvres, quartiers d’immigrations, d’adolescents en grande difficulté…). Depuis longtemps elle s’intéresse à la relation parents-enfants.
Ce roman qu’on ne lâche pas jusqu’à confronter la réalité est bouleversant et tire sa force de la subtilité avec laquelle l’auteure nous fait parfois presque oublier le coeur du sujet. Par le choix d’une écriture polyphonique (à plusieurs points de vue), l’auteure donne au lecteur la possibilité de comprendre non seulement Louise, mais la place et la réaction des gens autour d’elle. Des parents dépassés par les événements, les médecins ou psychologues marchant sur des oeufs devant la fvulnérabilité de Louise, des amitiés fragiles parmi lesquelles celle de Samuel qui ne lâche pas. Même si Louise ne répond pas, il continue à lui envoyer ses textos. Il a l’intuition qu’il peut l’aider à comprendre.
Tous prennent la parole pour Louise, incapable de le faire dans son traumatisme. La première fois qu’on l’entend, le bébé est né: « L’instant d’après, pour moi, c’est l’instant d’après…Je suis seule dans cette chambre où tu n’es pas. Seule dans mon corps, seule dans ma tête et pourtant nous sommes deux. Tu dors sans doute un peu plus loin, ailleurs je ne le sais pas, je ne sais pas encore que tu existes, je suis fatiguée… »
Lors d’une interview, que l’auteure a accordé à une jeune fille lors de la sortie du livre en France, elle explique le fascinant phénomène du déni de grossesse qui, en général, se déclare vers 7 ou 8 mois. Avant cela, le bébé pousse vers l’intérieur du corps. Fascinant…
En librairie LE 6 MARS
En lien avec ce roman: L’été où je suis né, de Florence Hinckel (Scripto 2010)