Du merveilleux dans nos romans de fin d’année : La Belle Sauvage, La légende de Podkin le brave et Magnus Million
Nous sommes tous fans des albums illustrés dans lesquels la magie de Noël est mise en scène, sous nos yeux ébahis. Quand on parle de magie, on pense aussi au genre merveilleux qui relève lui aussi d’une certaine magie. Les romans de ce genre se prêtent parfaitement aux veillées au coin du feu et aux journées pyjama.
Les histoires se déroulent dans des mondes parallèles et passés. Les héros prennent leur source dans la figure des personnages de contes (fées, sorciers, ogres, etc.). Surviennent alors, dans des décors surnaturels, des évènements extraordinaires et toutes sortes d’objets imaginaires apparaissent. Les personnages font face, avec beaucoup de dignité, à leur destinée. Et, pour notre plus grand plaisir, ils nous entraînent dans des aventures passionnantes.
La Belle Sauvage de Philip Pullman, récemment paru, est assurément à ce jour un des meilleurs en son genre. Toutefois, on ne saurait réduire ce texte à un roman de genre. À la fois parcours initiatique, quête de vérité, récit satirique et engagé, c’est une œuvre littéraire qu’il nous est donné de lire. Celle d’un écrivain brillant et d’un conteur émérite.
Un article publié sur ce blogue plus tôt cet automne annonçait cet equel (ni avant, ni après, mais à côté) de la trilogie de À la croisée des mondes.
Si vous n’avez jamais lu Philipp Pullman, ce sera une magnifique découverte et une introduction à son univers.
Cette nouvelle histoire se déroule dans une Angleterre victorienne à Oxford qui n’est ni tout à fait la même ville, ni tout à fait une autre que celle qui existe dans notre réalité. Malcolm, un jeune garçon intelligent, curieux et bon, fils des d’aubergistes de la Truite et ami des religieuses du prieuré voisin se lie d’amitié avec la professeure Hannah, agente secrète du Magistérium qui lutte contre la répression de l’Église. En compagnie d’Alice, une jeune servante de son âge, que rien ne destinait à vivre une telle aventure, Malcom fera tout pour protéger la petite Lyra, bébé vulnérable et inoffensif qui semble convoité par tout le monde, les bons et les méchants.
La Belle Sauvage, le nom du canoë de Malcolm et les aléthiomètres, instruments scientifique de prédiction, sont quelques-uns des objets magiques, mis en scène dans cette histoire. Les daemons (double animal de chaque être humain pouvant changer d’apparence et agissant comme ange-gardien ou conseiller) et la Poussière, particule mystérieuse, sont aussi des inventions pures de l’auteur mais qui semblent réelles. Pourquoi ? Parce que le pacte de lecture proposé par l’auteur est totalement accepté par les lecteurs, subjugués par son talent. On est convaincu que c’est la vérité qui nous est racontée.
C’est dans l’écriture de Pullman que réside la vraie magie. Ce roman s’adresse à tous, à partir de 10 ans.
La légende de Podkin le brave nous plonge également dans un monde imaginaire, auquel on a pourtant envie de croire avec ferveur. C’est le premier volet d’une trilogie lapinesque. Oui, vous avez bien lu. Rien à voir toutefois avec Pierre Lapin et Béatrix Potter. Ici, l’ennemi n’est pas le fermier Monsieur McDonald mais les Gorms, un peuple mi-lapin et mi-robot. Les héros sont une fratrie de lapereaux conduits par Podkin, sa sœur Paz et leur petit frère bébé Pook. Ensemble, ils devront sauver leur royaume.
On voit naître, dans ce premier tome, la figure du héros comme l’indique le sous-titre : Naissance d’un chef. Podkin, petit lapin maladroit et fainéant devient peu à peu un valeureux guerrier à l’oreille coupée, en grande partie grâce à sa sœur futée et courageuse. Mais les filles dans ce monde là non plus ne sont pas celles à qui on confie naturellement le pouvoir. De belles discussions sur l’égalité des sexes en perspective…
Roman fantastique original, à la Tolkien, pour jeunes lecteurs, il plaira aux garçons comme aux filles, lecteurs en apprentissage ou mordus de littérature.
Vivre parmi les lapins se révélera une expérience originale et inattendue pour tous. Quelques illustrations double-page, en noir et blanc, sont un petit supplément d’âme à ce roman au décor hivernal comme le montre la couverture.
Sous la plume de Jean-Philippe Arroud-Vignod, je vous propose, enfin, de faire la connaissance de Magnus Million.
Le cadre : un pensionnat et le duché de Sillyrie (répertorié sur aucune carte).
Les héros : Une bande d’orphelins et Magnus,orphelin de mère aussi et dont le père immensément riche a presque oublié son existence. Sans oublier Mimsy, la fille de la gang.
L’intrigue : Le mondes des rêves, des cauchemars plus exactement, menace d’envahir le pays.
La mission de Magnus : empêcher, presque malgré lui, cette catastrophe.
L’amitié et les secrets de famille sont aussi au cœur de ce roman. Magnus, petit garçon solitaire au début du livre, découvrira des membres de sa famille dont il ignorait l’existence et deviendra le chef de file d’une bande de gamins perdus.
Histoire initiatique donc aussi bien sûr.
Le merveilleux s’invite avec beaucoup de finesse dans cette histoire tantôt potache, façon guerre des boutons, tantôt grand classique, à la Dickens.
Deux petites pépites fantastiques cachées au cœur de l’œuvre de cet auteur qui privilégie habituellement l’humour dans des séries très appréciées des enfants comme les Jean-quelque-chose ou Les enquêtes au collège. Deux séries tout aussi savoureuses également mais dans un autre registre.
Et s’il est question de merveilleux, je ne pourrai passer sous silence le dernier texte de Jean-Philippe Arrou-Vignod. Il s’agit d’un album : Le prince Sauvage et la renarde. Il est aussi question de magie et de merveilleux dans ce conte médiéval. On y parle aussi de transmission, d’éducation, de notre rapport aux autres et à la nature. Le texte écrit au passé simple n’est pourtant pas figé dans une époque lointaine car Arrou-Vignod fait partie de ceux qui, grâce à leur talent de conteur et d’écrivain, a le pouvoir de nous mettre au cœur de chaque nouvelle histoire. Nous sommes émus, nous sommes vivants.