Pierre Lapin

Ne m’appelez plus jamais mon petit lapin ou la révolte de Pierre Lapin !

Pierre Lapin

Dans une salle pleine à craquer, des grands-parents, des parents et des enfants, avec en tête les illustrations d’origine à l’anglaise de Béatrix Potter ont découvert en primeur l’adaptation de Pierre Lapin qui vient de sortir en salle vendredi. Et croyez-moi, on a tous succombé au charme de Pierre.

Mais attention, le mythe du lapin, trop mignon, trop « cute » avec ses grandes oreilles et sa fourrure toute douce en prend un sacré coup. On découvre un Pierre Lapin bien décidé à faire voler en éclat l’image de ce petit animal fragile sans défense, et végétalien en plus. Monsieur Mac Gregor est plus que décidé à en découdre avec lui.

Ne m’appelez plus jamais « mon petit lapin »

En découvrant le film Pierre Lapin je me suis dit que c’est une phrase qu’aurait bien pu prononcer ce héros intemporel. Mais c’est aussi le titre de l’histoire de Jean Carotte, racontée par Grégoire Solotareff dans un album paru, pour la première fois, en 1987. Ce lapin, lui aussi vêtu d’un petit gilet ( autre clin d’œil à l’autre 😊 ) décide de devenir un affreux petit lapin, fatigué de ce surnom mièvre qui lui colle à la peau. Mais comme chacun sait, le crime ne paie pas.

En regardant de plus près la figure du lapin dans les albums, on s’aperçoit vite que le lapin n’a pas de grande dent ni une grosse voix effrayante. Alors il compense par la ruse, le cabotinage et même l’audace. Qui se méfierait d’une petite créature sans défense ?

Il y a aussi les lapins qui jouent de leur image comme Pierre. Il y a ceux qui forcent le destin comme ce bébé-lapin-pirate dans Pirate tétine. On n’a jamais vu un lapin avec une tétine ? Oui, il s’appelle Lapinou.

Déconstruction de l’image d’Épinale de la mignonne peluche et fou-rire garanti avec les petits. Les enfants, aussi, s’identifient à la figure du lapin. On les imagine sans défense et peu sûrs d’eux. Découvrir des figures rebelles auxquelles ils peuvent s’identifier pourrait bien les inspirer. En tous cas, c’est un beau sujet à aborder ensemble et se lancer dans une comparaison des lapins, a priori tous pareils mais si différents pourrait bien se révéler une activité fort amusante.

 

Il vous faudra donc aussi parler de Superlapin, Bébé Cadum, Caca boudin, appelez-le comme vous voulez, c’est Simon dans la vraie vie. Lui aussi, il prend bien des libertés sous la plume et le crayon de Stéphanie Blake. Mais la vie reste compliquée même quand on est le grand frère et qu’on a des supers amis.

On ne peut pas parler du lapin sans parler du loup. Sur la palette des personnages a priori gentils et méchants, ils sont aux antipodes. Après avoir fait le tour de la figure du lapin, habillé ou à poil, est venu le temps de s’intéresser à sa relation aux autres. Pas sa relation à maman lapin, non, je parle de sa relation avec le loup. L’amitié entre un loup et un lapin est-elle possible ? C’est absolument passionnant pour les enfants. Dans la cour de récréation aussi, ne risque-t-on pas de se faire mange, d’une certaine manière, par le grand qui nous intimide ?

Et c’est là que la littérature devient essentielle. Elle permet de parler de ses peurs, de les nommer. Dans Ami-Ami, on se demande si le loup va manger le lapin. Peut-on échapper à sa nature profonde ? Existe-t-il des enfants gentils et méchants à la naissance de nature ?

Ces causeries que l’on peut avoir en classe après la lecture de cet album ( ou de Loulou de Grégoire Solotareff ) sont des conversations nécessaires, elles aident à penser. D’apprenti-lecteur on devient, petit à petit, apprenti-philosophe. Et au passage, on apprend à vivre ensemble, en classe, dans la cour et dans la vie.

Et tout cela grâce à ce cabotin de Pierre Lapin me direz-vous ? Oui et non, vous répondrai-je.

Il y a les lapins avec qui on rigole et ceux avec lesquels, on réfléchit. Il faut toutes sortes de lapins pour faire un monde, en voilà déjà quelques-uns qui méritent votre attention.

Tout cela m’a donné faim, je vais aller grignoter une carotte et relire Miss Charity. Si vous n’avez jamais lu cette biographie de Marie-Aude Murail inspirée de la vie de Béatrix Potter, précipitez-vous pour découvrir un destin de femme, féministe d’avant-garde tout à fait originale. À l’époque victorienne du tea-time, de la bonne éducation et des robes a crinoline, on voit naître dans la chambre de cette naturaliste une galerie d’animaux des champs et des jardins tout à fait charmante mais ne vous y trompez-pas, la révolte gronde….

 

Bonne lecture !

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